Le rideau lourd et noir opaque épais couvrant l’immense baie vitrée de ma vie a bougé. Il a bougé. Était-ce une conséquence du déplacement d’air généré par le mouvement de mon corps de quinze ans dansant le questionnement une après-midi d’été devant le miroir qui l’avait fait onduler ?
Peut-être, possiblement, probablement.
Toujours est-il qu’il a bougé et que la lumière a pénétré. Mouvement bref, quasi imperceptible et pourtant inoubliable, resté profondément gravé dans les cellules, inscrit dans la mémoire, comme un visage qui se serait arrêté à la surface de l’eau lisse et retournante d’un lac paisible, éternellement.
Clarté instantanée, vision illuminée de ma condition, ma destinée.
Éclair de compréhension spirituelle affectant considérablement la matière de ce corps de chair.
Au revoir le doute, le rideau a bougé, la lumière a pénétré.
Ce que je cherche avec passion ailleurs après avant est ici maintenant bien présent bien vivant tu peux courir voler te télétransporter maigrir grossir t’enrichir te dénuder dans la plus décadente pauvreté partir fuir t’esseuler construire rencontrer t’unir enfanter, tu peux chercher, croire voir viser un but, t’échouer, tomber perdre espoir tu peux tout et tu pourras, croiras, construiras, tu avanceras , reculeras, tu voyageras, tu aimeras et tu reviendras ici, dans cet instant lumineux où tout est clair, ici, face à ce miroir, un peu plus tard, éloignée de tes quinze ans, dans un corps, un reflet différent. Tu reviendras.
Le rideau lourd et noir opaque épais couvrant l’immense baie vitrée de la pièce de ma vie a bougé ainsi bon nombre de fois depuis.
À force, j’ai compris.